الرسالة

On estime que al-Risālaẗ [l’Epître] constitue l’exposé le plus clair de la jurisprudence malékite. Elle s’inscrit dans le cadre d’une tentative visant à simplifier cette jurisprudence et à la mettre à la portée des étudiants débutants, dans la mesure où c’est Meḥriz Ibn H̱alaf al-Muʾaddib (m. 413/1022) qui a demandé à Ibn Abī Zayd de la composer. Elle figure parmi ses tout premiers écrits, composée peut-être alors qu’il n’avait que dix-sept ans, soit à peu près en l’an 327/938, durant le règne de al-Qāʾim, le deuxième calife fatimide (322/934 – 334/946). Ce serait le premier compendium du rite malékite. Elle ne se limite pas aux aspects de jurisprudence, comme l’a soutenu Carl Brockelmann, dans la mesure où elle comporte aussi, dans son introduction, une définition succincte de la doctrine des Ahl Al-Sunnaẗ [les Sunnites, les tenants de la tradition]. L’Epître se caractérise par la simplicité et la relative aridité de son style et la clarté de ses formulations. C’est la raison pour laquelle elle est enseignée, ou plutôt inculquée, aux débutants, alors que la Mudawwanaẗ de Saḥnūn est enseignée aux étudiants avancés.

L’Epître a un côté prosélytique, comme l’a soutenu Hādī Roger Idrīs, ce en quoi elle ressemble au livre de al-Qāḍī al-Nuʿmān intitulé Daʿāim al-Islām [les fondements de l’Islam]. Sa composition avait pour objectif de lutter contre l’expansion du prosélytisme ismaélien et surtout d’élargir l’aire d’extension du culte Malékite. Le rôle joué par Ibn Abī Zayd dans ce domaine n’est en rien inférieur à celui joué par Saḥnūn, dans la mesure où « il a résumé le culte et réduit sa fracture ; il l’a défendu et ses écrits se sont répandus dans toutes les contrées ». Idrīs estime que Ibn Abī Zayd est « l’artisan le plus efficace pour consacrer la victoire finale du culte Malékite de l’Ifrīqiyyaẗ ».

Bien que l’Epître ait bénéficié d’une grande admiration de la part de Abū Bakr al-Abharī (m. 375-985) en Irāq (Irak), elle a suscité la jalousie de Abū Bakr Ibn Zarb (m. 381/991) en Andalus (Andalousie). Après avoir terminé la composition de son Epître, Ibn Abī Zayd en a fait parvenir deux copies, la première à al-Abharī et la seconde à Ibn Zarb. Alors qu’al-Abharī lui fait parvenir, en retour, « le poids de l’Epître en or », Ibn Zarb l’a dissimulée et « a commencé à composer dans la même veine. Une fois sa composition terminée, il lui a donné pour titre al-H̱iṣāl [les qualités] et ce n’est qu’à ce moment qu’il a révélé l’existence de l’Epître ».

L’Epître a été traduite dans plusieurs langues. Nous citerons à titre d’exemple la traduction anglaise de A.D. Russel et Abdullāh al-Mamūn al-Sahrūdī (1906) et la traduction française de E. Fagnan (1914).

Vu son succès, et malgré sa clarté, l’Epître a fait l’objet de plus de cent ouvrages d’exégèse. Le premier à avoir composé un tel ouvrage serait l’un des propres étudiants de Ibn Abī Zayd, à savoir Abū Bakr ibn Mawhib al-Maqbarī (m. 406/1015). Une autre de ces exégèses a été composée par le qāḍīʿAbdelwahāb al-Baġdādī (m. 422/1030). Et puis, les exégèses se sont succédé, y compris celle de Ibn Nāǧī (m.839/1435) composée dans sa jeunesse. Il en est venu à penser qu’il devait la réussite dans sa carrière scientifique et professionnelle à la réalisation de cette exégèse. La Bibliothèque Nationale de Tunisie compte trois copies manuscrites de cette exégèse. De même, Fuat Sezkīn a identifié 15 exégèses de l’Epître, alors que Carl Brockelmann en recense 28.