الموطّأ

En arabe, le mot « Muwaṭṭaʾ » signifie nivelé, aplani, simplifié. Il s’agit du titre de l’unique ouvrage de Mālik Ibn Anas qui nous soit parvenu. Les chercheurs sont divisés sur le mode de composition du livre. Certains pensent que Mālik en est l'auteur (selon l'acception moderne du terme). D’autres soutiennent qu’il l’a dicté à ses disciples et qu’il les a ensuite habilités à le diffuser, d’où les différentes versions qui nous sont parvenues. De la vingtaine de versions signalées par Qāḍī ʿIyāḍ, seul un petit nombre nous est parvenu, y compris deux versions complètes et plus de six incomplètes.

Les deux versions complètes sont celle de Mūḥammad Ibn al-Ḥasan al-Šaybānī (m. 189/804), disciple d'Abū Ḥanifa, et celle de Yaḥya Ibn Yaḥya al-Layṯī al-Andalūsī. Alors que la première met en exergue les concordances et les différences entre la jurisprudence de Abū Ḥanīfa et celle de Mālik, la seconde s’en tient à ce que al-Layṯī a recueilli auprès de Mālik en 179/795, c’est-à-dire au cours de la dernière année de vie de l’imam, exception faite de quelques ḥadīṯ-s (Dits du prophète). C’est la raison pour laquelle cette version a connu un grand succès dans le malékisme. C’est la version à laquelle on se réfère généralement lorsqu'il s'agit d'al-Muwaṭṭaʾ.

L’une des autres versions à nous parvenir est celle du ʿAlī Ibn Ziyād al-Tunisī (m. 183/799), recueillie par lui auprès de Mālik en 150/767. Il s’agit d’un fragment qui fait partie du fonds de l’ancienne bibliothèque de Kairouan. Une édition critique de cette version a été réalisée par Mūḥammad Šādlī al-Nayfar. Plus ancienne que celle d'al-Layṯī, elle fut ainsi la toute première version à faire son entrée en Ifrīqīyya par ʿAlī Ibn Ziād.

Les chercheurs sont quasi-unanimes pour dire que le Muwaṭṭaʾ est aussi bien un livre de jurisprudence (fīqh) qu’un livre de ḥadīṯ-s et ce malgré le fait que l’objectif poursuivi par Mālik en composant cet ouvrage n’était pas de compiler des ḥadīṯ-s, mais de faire connaître les principes de son école de jurisprudence. Les ḥadīṯ-s sont là pour étayer ces principes.

Selon la version utilisée, le Muwaṭṭaʾ compte un nombre plus ou moins grand de ḥadīṯ-s. Contrairement à Ibn Khaldūn qui affirme que le Muwaṭṭaʾ de Mālik compte quelque trois cents ḥadīṯ-s, Abū Bakr al-Abharī soutient que le nombre de « traditions du Prophète, de ses compagnons et de leurs successeurs s'élève à mille sept cent vingt ḥadīṯ-s ».

Les dires et traditions du prophète constituent l’un des fondements de la jurisprudence malékite, à côté du Coran et d’al-Qiyās (litt. « Analogie »). Ces fondements font l’unanimité des tenants des grands rites sunnites. Cependant, le malékisme se distingue des autres rites par l’adoption de la manière de faire des gens de Médine ou du Iǧmāʿ (litt. « Consensus ») des gens de Médine. Et Mālik a quelquefois placé ce Consensus médinois au-dessus des ḥadīṯ-s » avérés. Dans le Muwaṭṭaʾ , on le retrouve dans plus de de quarante questions.